
Même si l’Etat veut relancer le pouvoir d’achat du Tunisien et augmenter les quantités importées d’huile végétale subventionnée à terme, le comportement spéculatif des épiciers ne fait qu’empirer la situation. Ils imposent leur diktat commercial.
L’huile végétale subventionnée connue pour être la moins chère sur marché, et couramment appelée en dialecte tunisien «zit ezzaweli» ou «zit el hakem», est généralement destinée aux catégories démunies en Tunisie. En théorie, parce qu’elle a tout bonnement disparu des étalages et des rayons des marchés municipaux tunisiens à l’instar du Marché Central de Tunis depuis au moins deux années. Une défaillance tournée en dérision par certaines personnes bien informées sur les réseaux sociaux pour démontrer combien le Tunisien trouve toutes les peines du monde à s’en procurer. Il lui faut mille et un détours pour obtenir le précieux sésame. Dans un post publié sur la page facebook «metfelet chey» pour ne rien manquer avec une image de la bouteille d’huile en verre qui trône comme un trophée, on y apprend que, pour obtenir une bouteille d’huile en Tunisie, il faut suivre les étapes suivantes : avoir une très bonne relation avec l’épicier du quartier auquel il faut laisser le reste, surveiller 24h/24 le camion qui achemine la marchandise.
Ensuite, lorsque l’huile arrive, vous devez passer une demi-journée près de l’endroit bien à propos pour convaincre l’épicier que vous avez désespérément besoin d’une bouteille d’huile végétale.
Lorsque l’épicier cède et accepte de vous remettre une bouteille d’huile, il exige du client d’acheter des provisions pour un montant de 10 dinars ou plus alors que cette pratique est interdite. Vous devez avoir une bouteille en plastique pour la remplir pour qu’il puisse récupérer la bouteille en verre. Tout un stratagème pour obtenir une huile à moins d’un dinar le litre en théorie mais qui est parfois écoulée à un prix deux à trois fois plus cher chez certains épiciers. En parallèle, à voir le nouveau prix du paquet de beurre de 200 grammes à 4,050 D, il est évident que la tâche devient de plus en plus complexe et ardue, voire impossible.
L’huile en question est introuvable pour le citoyen lambda. La question qui brûle les lèvres est jusqu’à quand cela va-t-il durer ? Cette huile sera-t-elle éternellement au centre de pratiques spéculatives ? Nous avons demandé à Jamel El Oref, trésorier du Groupement professionnel des conditionneurs de l’huile alimentaire subventionnée de la Confédération des entreprises citoyennes (Conect), d’éclairer notre lanterne.
Des épiciers «gacharas»
Si dans l’ensemble c’est le statu quo au niveau des quantités importées d’huile végétale subventionnée et du prix du litre fixé à 900 millimes, les aberrations décrites plus haut et les pratiques déloyales des épiciers ne sont pas étrangères au grand malaise des catégories démunies de la population tunisienne qui trouvent des difficultés pour se procurer cette denrée. «Malgré le cours haussier de l’huile à l’échelle mondiale fixé à 1.450 dollars la tonne, la Tunisie préserve ses intérêts et celui du consommateur», a affirmé le trésorier du Groupement professionnel des conditionneurs de l’huile alimentaire subventionnée. Toutefois le comportement spéculatif de l’épicier, qui est le dernier maillon de la chaîne de distribution de l’huile subventionnée, ne fait qu’enfoncer le clou.
D’après M. El Oref, l’épicier écoule l’huile végétale subventionnée à 2,5 voire 3 D le litre et cherche même à faire grimper le prix jusqu’à 4 D le litre ! Et il arrive à trouver preneur parmi les pâtisseries et les fast-foods qui ne refusent pas une telle aubaine d’autant plus que même si son prix enregistre une hausse, le coût de cette huile reste moins élevé que le prix des autres huiles végétales commercialisées sur le marché.
Cependant El Oref réfute l’idée selon laquelle il faut abandonner la compensation sur l’huile subventionnée et donner des ressources financières directement aux catégories démunies comme le proposent d’autres experts en matière de consommation. S’agissant de l’insuffisance des campagnes de contrôle économique, le responsable la justifie par le manque d’effectif. On compte seulement 800 agents de contrôle sur tout le territoire ce qui ne peut donner des résultats tangibles en matière de contrôle de l’approvisionnement et de la distribution de l’huile subventionnée aux ménages tunisiens.
Pour rappel, Slim Saadallah, président de l’Organisation de défense du consommateur (ODC), a affirmé dans les colonnes de , il y a moins d’un an au cours du mois de Ramadan dernier, que «82% des catégories démunies n’ont pas accès à l’huile végétale subventionnée». On y apprend que «la majorité des produits subventionnés font l’objet de trafic et sont au centre des pratiques spéculatives des lobbies». L’Etat subventionne l’huile pour la rendre accessible aux catégories défavorisées. Or, ils n’y ont pas accès… Jusqu’à quand ? Tout le monde l’ignore.